Psychose de la vieillesse (1)
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Individualisme, le prix à payer
Si lAfrique est mal partie pour son développement, lOccident est mal arrivé sur bien des valeurs et principes qui fondent lHumanité : lhumanisme, la solidarité, la gérontocratie ou le respect des anciens, bref, le sens du communautarisme.
En occident, dans les sociétés où lindividualisme à outrance est élevé au rang des valeurs cardinales, on ne rêve que dune chose : rester jeune à tout prix. On na envie que dune chose : ne jamais voir ses rides. On naimerait pas une chose : pousser de cheveux blancs. On na honte que dune chose : sentir sa force labandonner. Car, en «perdant la force, on perd aussi la vie». On voit ainsi que Corneille, lauteur du Cid, est bien issu de ces sociétés. Des sociétés à la limite déshumanisées où lon compare le vieux, cet enfant qui a vieilli, à une pomme ridée.
Abandonnées à elles-mêmes ou à des infirmières par hasard et non par vocation, les personnes âgées en Occident vivent la misère de la vie, le plus souvent, après sêtre bien investies pour la famille. Une famille qui na pas de temps pour se retrouver autour du grand-père ou de la grand-mère pour bénéficier de leur sagesse comme cest le cas en Afrique. Une famille qui na cure des «histoires» du vieillard. Une famille presque inexistante ou qui vole en éclats, au fur et à mesure que les ambitions personnelles se dessinent. Chacun pour soi, Dieu nexiste presque pas. Sacrilège !
Chez nous sous les tropiques, la formule est autre : un pour tous et tous pour un. Oui, en Afrique, la vieillesse nest pas certes un charme, mais on la vénère. Oui, les «vieux» y constituent une charge. Ils constituent une corvée pour la descendance. Mais lon se souvient simplement de la charge que nous fûmes pour eux pour leur renvoyer lascenseur ou pour boire à leur source. Une source qui ne tarit presque jamais. Car, même après la mort, leurs souvenirs illuminent la cellule de base et par-delà, la société. Nous nous devons de les bercer comme ils lont fait pour nous. De sorte quon ne refoule pas. Mais on conserve. En Afrique, en tout cas au Sénégal, Mag buur la(le vieillard est roi). Autant dire : ce quun vieux veut, Dieu le veut.
En Occident, il nest pas surprenant de renvoyer de vieilles personnes vers des hospices. En France, seules, les âmes sensibles sétonnent de voir les personnes âgées décimées par la vague de chaleur ou par le froid de canard comme cest souvent le cas. Ces personnes sont mortes de manque daffection et de solidarité humaine. Mais la société consumériste occidentale, qui exclut lhumain, ne veut jamais ladmettre. Ceux qui pensent quil y a à réserver un autre sort aux personnes âgées doivent déchanter. Dans la patrie des droits de lHomme, le mot solidarité est un vilain mot.
Pourtant, lhumanisme, dabord thème de lhistoire littéraire né en Italie au cours du XIVe et au début du XVe siècle, renvoyait à une attitude de lesprit qui mettait lhomme au centre de toutes les interrogations. Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne me demeure étranger, comme disent les humanistes avec Plutarque.
Aujourdhui, lévocation de ces courants qui ont influencé les écrits et les pratiques (la morale, la religion
) sont des vieilles vieilleries qui ne sétudient que dans des thèses et mémoires détudiants. Faut-il attendre autre chose dune société qui se satisfait de la course contre la montre et tend à écraser les valeurs de civilisation au nom de la technologie ? Mère Thérésa doit avoir mal là où elle se trouve. Sur Emmanuelle a encore du pain sur la planche. Des grains à moudre
Autant dire que, lOccident, suivant sa pente dangereuse, est mal arrivée, plaçant lindividu au cur de sa société. Lhumanité sen trouve indignée.