Psychose de la vieillesse (1)

Publié le par Rénald Martre-Dabiran


Abandonnées par leur famille, les personnes âgées en Occident se retrouvent dans les maisons de retraite. En attendant la mort..(Photo: Le Quotidien)

Individualisme, le prix à payer

 

Si l’Afrique est mal partie pour son développement, l’Occident est mal arrivé sur bien des valeurs et principes qui fondent l’Humanité : l’humanisme, la solidarité, la gérontocratie ou le respect des anciens, bref, le sens du communautarisme.

 

En occident, dans les sociétés où l’individualisme à outrance est élevé au rang des valeurs cardinales, on ne rêve que d’une chose : rester jeune à tout prix. On n’a envie que d’une chose : ne jamais voir ses rides. On n’aimerait pas une chose : pousser de cheveux blancs. On n’a honte que d’une chose : sentir sa force l’abandonner. Car, en «perdant la force, on perd aussi la vie». On voit ainsi que Corneille, l’auteur du Cid, est bien issu de ces sociétés. Des sociétés à la limite déshumanisées où l’on compare le vieux, cet enfant qui a vieilli, à une pomme ridée.

 

Abandonnées à elles-mêmes ou à des infirmières par hasard et non par vocation, les personnes âgées en Occident vivent la misère de la vie, le plus souvent, après s’être bien investies pour la famille. Une famille qui n’a pas de temps pour se retrouver autour du grand-père ou de la grand-mère pour bénéficier de leur sagesse comme c’est le cas en Afrique. Une famille qui n’a cure des «histoires» du vieillard. Une famille presque inexistante ou qui vole en éclats, au fur et à mesure que les ambitions personnelles se dessinent. Chacun pour soi, Dieu n’existe presque pas. Sacrilège !

 

Chez nous sous les tropiques, la formule est autre : un pour tous et tous pour un. Oui, en Afrique, la vieillesse n’est pas certes un charme, mais on la vénère. Oui, les «vieux» y constituent une charge. Ils constituent une corvée pour la descendance. Mais l’on se souvient simplement de la charge que nous fûmes pour eux pour leur renvoyer l’ascenseur ou pour boire à leur source. Une source qui ne tarit presque jamais. Car, même après la mort, leurs souvenirs illuminent la cellule de base et par-delà, la société. Nous nous devons de les bercer comme ils l’ont fait pour nous. De sorte qu’on ne refoule pas. Mais on conserve. En Afrique, en tout cas au Sénégal, Mag buur la(le vieillard est roi). Autant dire : ce qu’un vieux veut, Dieu le veut.

 

En Occident, il n’est pas surprenant de renvoyer de vieilles personnes vers des hospices. En France, seules, les âmes sensibles s’étonnent de voir les personnes âgées décimées par la vague de chaleur ou par le froid de canard comme c’est souvent le cas. Ces personnes sont mortes de manque d’affection et de solidarité humaine. Mais la société consumériste occidentale, qui exclut l’humain, ne veut jamais l’admettre. Ceux qui pensent qu’il y a à réserver un autre sort aux personnes âgées doivent déchanter. Dans la patrie des droits de l’Homme, le mot solidarité est un vilain mot.

 

Pourtant, l’humanisme, d’abord thème de l’histoire littéraire né en Italie au cours du XIVe et au début du XVe siècle, renvoyait à une attitude de l’esprit qui mettait l’homme au centre de toutes les interrogations. “Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne me demeure étranger”, comme disent les humanistes avec Plutarque.

 

Aujourd’hui, l’évocation de ces courants qui ont influencé les écrits et les pratiques (la morale, la religion…) sont des vieilles vieilleries qui ne s’étudient que dans des thèses et mémoires d’étudiants. Faut-il attendre autre chose d’une société qui se satisfait de la course contre la montre et tend à écraser les valeurs de civilisation au nom de la technologie ? Mère Thérésa doit avoir mal là où elle se trouve. Sœur Emmanuelle a encore du pain sur la planche. Des grains à moudre… Autant dire que, l’Occident, suivant sa pente dangereuse, est mal arrivée, plaçant l’individu au cœur de sa société. L’humanité s’en trouve indignée.

 

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