BALCONS ET TERRASSES : la vie d'en haut vue d'en bas ! (1)

Publié le par Rénald Martre-Dabiran

 (Photo : Le Quotidien)

Randonnées sur les terrasses et balcons de Dakar : Vues d’en haut, vies en haut

 

Vue d’en haut, l’île de Gorée offre l’image d’une bande de terre inhabitée. Et pourtant, toute une vie s’y organise. De la naissance à la mort. D’en bas, la réalité est tout autre. Le contraste est frappant.

 

Le cas de Gorée n’est pas isolé. Les coins du Plateau, au centre-ville de Dakar, sont passés dans notre champ visuel : des visions fantastiques au panorama contrasté d’une terrasse et d’un balcon.

 

«Au sixième, l’œil embrasse tout Paris : Paris des rois, Paris des quais, Paris au cent clochers. Notre Dame est là en sa gloire de verdure, incroyable édifice de l’art et de la foi.» Ce n’est pas certainement sous le même registre enflammé de cet écrivain français d’une certaine époque que l’on découvre un coin du centre-ville de Dakar, quelque part vers l’avenue Albert Sarrault. Mais comment ne pas sentir comme lui, une pincée de féerie quand d’une terrasse ou d’un balcon, on promène ses yeux sur un décor qui ne manque pas de charme. Même si quelques images peuvent ramener à certaines dures réalités.

 

Septième étage d’un immeuble imposant au centre-ville, non loin du Port autonome de Dakar. Le dernier escalier s’ouvre sur une large terrasse. Un regard circulaire montre d’emblée que le lieu n’a pas l’habitude d’accueillir du monde : des objets épars, des épaves de vélos, de chauffe-eau y côtoient des carcasses de réfrigérateurs. On dirait un dépotoir de ferrailles inutiles, au milieu d’une forêt d’antennes de télévision dont les longs fils descendent dans les différentes maisons et appartements loués par des sociétés qu’abrite l’immeuble. Paradoxe : que la vue est pourtant superbe à partir cette terrasse !

 

Une terrasse qui offre un panorama contrasté du Plateau, le poumon administratif, commercial de Dakar. Le regard se promène sur des maisons et des immeubles d’une incontestable beauté architecturale. Comme le joyau de béton et de verre qui abrite le siège de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) ou encore tout juste à côté la Pyramide culturelle.

 

REGAL DES YEUX

 

On est également frappé par la splendeur architecturale du marché Kermel habillé de sa couleur ocre. Le décor, qu’offrent de loin à partir de ce point d’observation, les étals des fleuristes et des vendeurs d’objets d’art, constitue un bonheur pour les yeux. Entre le ciel azuré au-dessus de la tête et cette terrasse de l’immeuble, on a l’impression de toucher les nuages trop bas en cette saison pluvieuse. A portée de vue, d’autres immeubles où l’on peut apercevoir d’autres vies de famille…

 

Des odeurs qui s’échappent des cuisines des restaurants et des maisons semblent se plaire dans une lévitation comme pour jouir de la liberté de monter. De monter encore. De monter toujours vers le ciel.

 

La lumière du jour auréole l’avenue Albert Sarrault bordée d’arbres. La verdeur règne, impériale, à cette période de la saison des pluies. La nature renaissante ! On aperçoit à peine un petit bout de la Place de l’Indépendance.

 

Mais, à partir d’un autre coin d’observation, c’est le grand bleu qui étale sa vastitude liquide. Au loin, des bateaux s’assoupissent, sortes de «requins métalliques», las d’avoir parcouru les routes éphémères des océans. De minuscules bouts de bois de Dieu vont et viennent dans une frénésie de fourmis besogneuses. La porte du Port est dans un grouillement indescriptible. C’est un véritable mélange d’étals de fortune, d’une foule de gens allant et venant dans tous les sens dans un concert de klaxons et de voix à peine audibles à partir de la terrasse. Comme on a le sentiment de dominer tout ce monde, toutes ces vies en bas, vues d’en haut !

 

Au loin l’île de Gorée, «L’île de la déraison de la raison» (Senghor), minuscule bande de terre qui flotte et scintille sur les rayons d’un soleil de plomb.

 

FACES HIDEUSES DU PLATEAU VUES D’UN BALCON

 

On a du mal à imaginer, de la hauteur de la terrasse que cette microscopique bande de terre que l’on aperçoit au loin est habitée, qu’il y a des gens qui y vivent et qui y meurent, qui y rient et qui y pleurent. Et pourtant !

 

D’en haut, tout semble d’une féerie plus frappante que si l’on est en bas. «La laideur vécue d’en bas cède la place à la superbe vue d’en haut.» Mais, il faut bien tempérer cette vision fantastique, surtout si l’on descend dans l’appartement d’un libano-sénégalais. Le balcon est aménagé avec un goût et une table à manger y trône au milieu de pots de fleurs. D’ici, on observe mieux le panorama contrasté de cette partie du centre-ville. Les immeubles luxueux, comme pour garder jalousement leur rutilance, cachent les miséreuses baraques et autres taudis que les passants n’ont pas toujours la possibilité de découvrir.

 

Du balcon du cinquième étage, on se penche sur les faces hideuses de quelques habitations lovées entre les immeubles. Des baraques courbées comme de vieilles meurt-de-faim, lasses de porter leur âge et autres vieilles bâtisses branlantes, aux tuiles datant de Mathusalem, abritent des familles vivant dans une visible promiscuité.

 

Les toits en tuiles portent des «pansements» de fortune, sous la forme de morceaux de toiles en plastique ou de soupçons de mastic pour se protéger contre les infiltrations d’eau de pluies. Ces toits sont semblables à des quincailleries abandonnées comme si les familles tenaient à ne pas se séparer de tous ces résidus qui devaient emprunter le chemin de Mbeubeuss (dépotoir d’ordures vers une banlieue éloignée de Dakar).

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article