BALCONS ET TERRASSES : la vie d'en haut vue d'en bas ! (1)
(Photo : Le Quotidien) |
Randonnées sur les terrasses et balcons de Dakar : Vues den haut, vies en haut
Vue den haut, lîle de Gorée offre limage dune bande de terre inhabitée. Et pourtant, toute une vie sy organise. De la naissance à la mort. Den bas, la réalité est tout autre. Le contraste est frappant.
Le cas de Gorée nest pas isolé. Les coins du Plateau, au centre-ville de Dakar, sont passés dans notre champ visuel : des visions fantastiques au panorama contrasté dune terrasse et dun balcon.
«Au sixième, lil embrasse tout Paris : Paris des rois, Paris des quais, Paris au cent clochers. Notre Dame est là en sa gloire de verdure, incroyable édifice de lart et de la foi.» Ce nest pas certainement sous le même registre enflammé de cet écrivain français dune certaine époque que lon découvre un coin du centre-ville de Dakar, quelque part vers lavenue Albert Sarrault. Mais comment ne pas sentir comme lui, une pincée de féerie quand dune terrasse ou dun balcon, on promène ses yeux sur un décor qui ne manque pas de charme. Même si quelques images peuvent ramener à certaines dures réalités.
Septième étage dun immeuble imposant au centre-ville, non loin du Port autonome de Dakar. Le dernier escalier souvre sur une large terrasse. Un regard circulaire montre demblée que le lieu na pas lhabitude daccueillir du monde : des objets épars, des épaves de vélos, de chauffe-eau y côtoient des carcasses de réfrigérateurs. On dirait un dépotoir de ferrailles inutiles, au milieu dune forêt dantennes de télévision dont les longs fils descendent dans les différentes maisons et appartements loués par des sociétés quabrite limmeuble. Paradoxe : que la vue est pourtant superbe à partir cette terrasse !
Une terrasse qui offre un panorama contrasté du Plateau, le poumon administratif, commercial de Dakar. Le regard se promène sur des maisons et des immeubles dune incontestable beauté architecturale. Comme le joyau de béton et de verre qui abrite le siège de la Banque centrale des Etats de lAfrique de lOuest (Bceao) ou encore tout juste à côté la Pyramide culturelle.
REGAL DES YEUX
On est également frappé par la splendeur architecturale du marché Kermel habillé de sa couleur ocre. Le décor, quoffrent de loin à partir de ce point dobservation, les étals des fleuristes et des vendeurs dobjets dart, constitue un bonheur pour les yeux. Entre le ciel azuré au-dessus de la tête et cette terrasse de limmeuble, on a limpression de toucher les nuages trop bas en cette saison pluvieuse. A portée de vue, dautres immeubles où lon peut apercevoir dautres vies de famille
Des odeurs qui séchappent des cuisines des restaurants et des maisons semblent se plaire dans une lévitation comme pour jouir de la liberté de monter. De monter encore. De monter toujours vers le ciel.
La lumière du jour auréole lavenue Albert Sarrault bordée darbres. La verdeur règne, impériale, à cette période de la saison des pluies. La nature renaissante ! On aperçoit à peine un petit bout de la Place de lIndépendance.
Mais, à partir dun autre coin dobservation, cest le grand bleu qui étale sa vastitude liquide. Au loin, des bateaux sassoupissent, sortes de «requins métalliques», las davoir parcouru les routes éphémères des océans. De minuscules bouts de bois de Dieu vont et viennent dans une frénésie de fourmis besogneuses. La porte du Port est dans un grouillement indescriptible. Cest un véritable mélange détals de fortune, dune foule de gens allant et venant dans tous les sens dans un concert de klaxons et de voix à peine audibles à partir de la terrasse. Comme on a le sentiment de dominer tout ce monde, toutes ces vies en bas, vues den haut !
Au loin lîle de Gorée, «Lîle de la déraison de la raison» (Senghor), minuscule bande de terre qui flotte et scintille sur les rayons dun soleil de plomb.
FACES HIDEUSES DU PLATEAU VUES DUN BALCON
On a du mal à imaginer, de la hauteur de la terrasse que cette microscopique bande de terre que lon aperçoit au loin est habitée, quil y a des gens qui y vivent et qui y meurent, qui y rient et qui y pleurent. Et pourtant !
Den haut, tout semble dune féerie plus frappante que si lon est en bas. «La laideur vécue den bas cède la place à la superbe vue den haut.» Mais, il faut bien tempérer cette vision fantastique, surtout si lon descend dans lappartement dun libano-sénégalais. Le balcon est aménagé avec un goût et une table à manger y trône au milieu de pots de fleurs. Dici, on observe mieux le panorama contrasté de cette partie du centre-ville. Les immeubles luxueux, comme pour garder jalousement leur rutilance, cachent les miséreuses baraques et autres taudis que les passants nont pas toujours la possibilité de découvrir.
Du balcon du cinquième étage, on se penche sur les faces hideuses de quelques habitations lovées entre les immeubles. Des baraques courbées comme de vieilles meurt-de-faim, lasses de porter leur âge et autres vieilles bâtisses branlantes, aux tuiles datant de Mathusalem, abritent des familles vivant dans une visible promiscuité.
Les toits en tuiles portent des «pansements» de fortune, sous la forme de morceaux de toiles en plastique ou de soupçons de mastic pour se protéger contre les infiltrations deau de pluies. Ces toits sont semblables à des quincailleries abandonnées comme si les familles tenaient à ne pas se séparer de tous ces résidus qui devaient emprunter le chemin de Mbeubeuss (dépotoir dordures vers une banlieue éloignée de Dakar).